Séminaire CIPh "Paroles, paroles" (2ème année) - 3 mars 2022 19h

Auteur de l'annonce
Pierre Arnoux
Date de l'évènement
Type d'évènement
Séminaire/Seminar

Présentation générale

Nous sommes heureux de vous annoncer la tenue du séminaire "Paroles, paroles (II). Imperfections et virtuosité vocales dans les musiques populaires", organisé sous l'égide du Collège international de philosophie. Le séminaire sera accueilli par le Point Éphémère (quai de Valmy, Paris) et la Médiathèque Musicale de Paris, aux Halles, que nous remercions très chaleureusement ; vous en trouverez plus bas l’argument.

La première séance aura lieu le 3 mars à 19h au Point Éphémère. Nous aurons le plaisir d’accueillir Pierre Sauvanet (Université Bordeaux Montaigne, ARTES) pour une intervention intitulée "Différence et répétition chez Al Jarreau". Elle sera suivie d'une performance exceptionnelle de Fabrice Vieira, membre éminent d’Uzeste Musical.

Vous trouverez davantage d’informations sur le site du séminaire (https://paroles.hypotheses.org/), où le programme peut être consulté. Il sera question de chanson française, de ce siècle et des précédents, de rap, d’instruments vocaux ou non ; nous y entendrons des thérémines chanter, des rockers parler et quelques fantômes fredonner. Il est enfin possible de s'inscrire à la newsletter du séminaire.

Au plaisir de vous rencontrer,

Pierre Arnoux et Chloé Thomas

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Paroles Paroles II. Imperfections et virtuosité vocales dans les musiques populaires.

Le chant dans les musiques populaires a ses techniques propres, de la voix claire des divas pop à celles du hard rock et du métal, qui pourtant semblent parfois tendre au cri ou au grondement.

Mais ce n’est généralement pas la maîtrise en elle-même qui est prisée et la voix de la pop paraît au contraire s’épanouir dans deux extrêmes. Il y a, d’un côté, la virtuosité, point culminant d’une technique manifeste (les « divas » comme Mariah Carey ou Céline Dion, les « chanteurs à voix » comme Freddy Mercury ou Florent Pagny, les virtuoses de la diction tels Bobby Lapointe). De l’autre, il y a les chants criés, les voix accidentées ou fragiles (Janis Joplin, Kurt Cobain, Coco Rosie), qui paraissent, souvent à tort, se situer en deçà de la maîtrise.

Le goût de la singularité qui parcourt les musiques populaires contemporaines peut l’expliquer : c’est par écart vis-à-vis des normes toujours évolutives que le chant, par-delà les timbres originaux, se signale à l’attention. Et cette logique semble se communiquer aux paroles de ces chants, au tout qu’ils composent : des textes virtuoses, qui valent à leurs auteurs le statut de « poète » (souvent conféré avec une part d’ambivalence), ou au contraire des textes apparemment simples, voire « mal écrits » du point de vue de la tradition littéraire. Ces deux extrêmes, là-encore, trouvent dans les musiques populaires un lieu où ils sont non seulement tolérés, mais où ils peuvent, grâce à leur relation à la musique, déployer des effets singuliers. Les allitérations complexes de Boby Lapointe, qui finissent par rendre le texte inaudible, l’anaphore insistante de « Salut à toi » dont la voix de Fanfan assure seule les variations signifiantes, la manière dont Camille déforme le composé sens/son de ses paroles, la crudité des textes parfois crachés de Booba jouent chacun de ce que la musique permet de faire au texte et des puissances que seules certaines formes d’écriture peuvent lui faire déployer. On imagine ce que sa forme déclamée a légué un temps à la poésie ; il faut désormais interroger aussi ce que le texte peut faire produire à la déclamation.

Car on ne peut renvoyer sans examen les textes des musiques populaires contemporaines à l’amateurisme ou à l’improvisation, ni à la valorisation de prouesses d’écriture, qui peut aisément se retourner en soupçon de vacuité ; pas davantage ne suffit-il de pointer la simplicité ou les effets grandiloquents que requerrait la diffusion (potentiellement) massive des musiques populaires. Matthieu Chedid avouait récemment que l’ajout d’un vers (« la haine, je la jette ») au texte qu’Andrée Chedid avait écrit pour lui, « Je dis aime », était sans doute le moins poétique, mais le plus musical, indiquant une différence de régimes et de formes d’excellence qu’il s’agira dans ces séances d’élucider.