Dans le contexte qui est celui de l’Occident d’aujourd’hui , aborder les musiques médiévales, et plus généralement les musiques traditionnelles, nécessite une conversion de l’écoute car il s’agit là, le plus souvent, de musiques modales.
D’où vient la différence entre l’écoute d’une mélodie modale et celle d’une mélodie tonale, puisque l’on n’entend pas la même chose ?
Ce que l’on entend dans la musique modale s’appuie sur ce qui se passe entre les notes de la mélodie, mais de telle façon que le rapport entre les notes soit subordonné à celui que chaque note entretient avec la note fondamentale du mode. L’important est donc de connaître très exactement quels sont ces rapports et sur quelles échelles ils se placent. La nécessité de pratiquer une intonation absolument juste s’impose donc à l’artiste.
Mais de quelle justesse parle-t-on ? Comment trouver cette intonation ? Le timbre joue-t-il un rôle ?
En l’absence de tradition orale – ce qui est le cas du chant traditionnel qu’on appelle « grégorien » et de toutes les musiques dites « médiévales » –, est-il possible de retrouver les échelles modales ? Comment procéder ?
Existe-t-il des calculs et des représentations physiques qui permettent d’établir les échelles et éventuellement leurs liens réciproques ?
Les échelles font-elles appel exclusivement à des sons consonants ? Peut-on savoir quels degrés de consonance sont admis dans les modes grégoriens ? Les directives des autorités ecclésiastiques (Pères, conciles, Papes) ont-elles exercé une réelle influence sur l’éthos grégorien ?
L’héritage grec tel qu’on le trouve chez Aristote ou Platon a-t-il de son côté une véritable incidence sur les choix qui ont présidé au « style » grégorien ?
Dans ces musiques de tradition orale, quels rapports entretiennent les traités avec la pratique (ou à l’inverse quels écarts note-t-on) ? Quels sont les enjeux et la fonction de la théorie et des traités ?
Les systèmes scalaires qui fonctionnent selon un modèle dynamique, tels qu’ils ont été analysés par Nathalie Fernando (2007), ont-ils cours au sein des musiques médiévales ? Le mode est avant tout « une donnée culturelle » (Trân van Khê, 1968 ; François Picard, 2001) ce qui incite l’un des grands spécialistes de la question, Amine Beyhom, à en réévaluer sa définition à partir de la « complémentarité entre la scalarité et la formularité » (2012). Il en découle de nombreux questionnements parmi lesquels « la ‘modalité’ est-elle ‘modale’ partout ? ».
Si dans la musique monodique, le mode est directement impliqué dans l’élaboration formelle de la pièce, qu’en est-il dans les différents types de polyphonies ?
Comment les maîtres enseignent-ils les modes dans d’autres musiques traditionnelles, liturgiques ou non liturgiques, dans le monde ?