Les œuvres musicales des périodes anciennes adoptent fréquemment une apparence délibérément obscure ou trompeuse, ne se révélant qu’à celle ou à celui qui aura pris le temps d’en chercher les secrets. Les canons médiévaux, de la Renaissance ou de l’ère baroque recèlent des parties implicites que le lecteur doit révéler, par le décryptage ou le déchiffrement d’une notation qui semblait illisible ou incomplète à la première lecture. Sous un propos d’apparence innocente, les textes allégoriques de madrigaux, de cantates ou d’opéras cachent des allusions politiques ou des paroles licencieuses. Les œuvres à lecture multiple, énigmes, hiéroglyphes ou rébus musicaux enrichissent la notation musicale d’images ou de symboles, et mettent en place un jeu complice entre compositeur, copistes et interprètes. Ces jeux d’esprit, du Moyen Âge au XVIIIe siècle, allient une virtuosité technique et artistique parfois ostentatoire à une fascination pour l’hermétisme et les subtilités intellectuelles, et apparaissent comme autant de témoignages d’une culture fascinée par les faux-semblants, les surprises ou autres doubles significations.
Dans un contexte culturel plus large, au sein duquel les arts regorgent d’allégories picturales ou sculptées, poétiques ou théâtrales ; mais également de devinettes, d’énigmes visuelles ou littéraires ; d’images à secrets, d’anamorphoses ou de Vexierbilder, il s’agit aussi de montrer la place singulière occupée par la musique au sein d’un riche faisceau de formes, et ses interactions avec les autres arts.
Les propositions de communication, d’une durée de 20 minutes, sont à transmettre à pzuker.amas@gmail.com avant le 22 octobre 2023. Les actes feront l’objet d’une publication. Les doctorantes, doctorants et jeunes chercheuses ou chercheurs sont vivement encouragés à candidater. Par ailleurs, le comité scientifique est également ouvert à des propositions de formats originaux (ateliers, communications à plusieurs voix, etc.).
Les entretiens se tiendront les jeudi 13 et vendredi 14 juin 2024 à Sorbonne Université.
Les propositions de communication pourront notamment s’inscrire dans les axes suivants (liste non exhaustive) :
- Procédés de notation ou de composition utilisés dans les canons, œuvres à lecture multiple, ou énigmes musicales.
- Mises en musique de textes allégoriques, énigmatiques, ou à significations multiples.
- Réception par les lecteurs et interprètes, ainsi que par le public.
- Enjeux esthétiques, notamment dans un contexte culturel plus large.
- Liens à des formes analogues pratiquées dans les arts visuels, la littérature, ou dans d’autres arts (énigmes poétiques, allégories, images ou meubles à secrets, etc.)
- Liens avec des courants de pensée contemporains (hermétisme, théologie, etc.), ou des événements historiques.
- Usages de la notation musicale dans des textes cryptés (rébus, textes ou traités cryptographiques, etc.)
Comité d’organisation :
Mathilde Aigouy (doctorante)
Guillaume Bunel (PRAG)
Hélène Derieux (doctorante)
Céline Drèze (MCF)
Clément Stagnol (doctorant)
Alice Tacaille (MCF Hdr)
Pamela Zuker (doctorante)
Pistes bibliographiques :
Bonnie J. Blackburn, Katelijne Schiltz (éd.), Canons and Canonic Techniques, 14th-16th Centuries : Theory, Practice, and Reception History, Louvain : Peeters, 2007.
Denis Collins, Canon in Music Theory from ca. 1550 to ca. 1800, thèse inédite, Stanford University, 1992.
Willem Elders, Symbolic Scores : Studies in the Music of the Renaissance, Leiden : Brill, 1994.
Katelijne Schiltz, Music and Riddle Culture in the Renaissance, Cambridge : Cambridge University Press, 2015.
Peter Urquhart, Sound and Sense in Franco-Flemish Music of the Renaissance, Louvain : Peeters, 2021.
Laurence Wuidar, Canons énigmes et hiéroglyphes musicaux dans l’Italie du 17e siècle, Bruxelles : Peter Lang, 2008.
Emily Zazulia, Where Sight Meets Sound : the Poetics of Late-Medieval Music Writing, New York : Oxford University Press, 2021.